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Des rendements moyens : de 4 à 5,5% ! Les plaquettes des promoteurs de résidences services (étudiantes, tourisme…) laisse rêveur. Mais gare aux pièges : ce type d’investissement ne s’improvise pas. “Plus de 20.000 acheteurs de meublés de tourisme seraient asphyxiés par des exploitants peu scrupuleux”, assure même le député Christian Franqueville, qui a alerté le gouvernement. Nos conseils pour éviter de subir une baisse de loyer ou d’avoir à revendre à perte.
Vérifiez que le loyer n’a pas été surévalué
Avec une promesse de rendement grimpant jusqu’à 5,5%, les résidences gérées attirent l’œil. Le risque est alors de tomber sur un loyer surévalué. «Pour réussir à louer, nous avons dû abaisser le nôtre de 25% par rapport au montant promis par l’ancien exploitant, JNL Marina», témoigne André Picard, propriétaire d’un cottage au bord du lac du Der, en Champagne. Pratique, cette astuce permet au promoteur – fréquemment en charge de l’exploitation, via une filiale – de gonfler ses tarifs. «Le plus souvent, de 50% au-dessus des prix du très récent !», peste l’avocat Philip Pechayre. Le problème, c’est qu’en cas de revente les déconvenues sont sévères. Qu’adviendra-t-il ainsi à ceux qui ont déboursé 18 300 euros le mètre carré pour une chambre d’Ehpad commercialisée par Orpéa dans le XVe arrondissement de Paris ? Ou, près de la Croisette, à ces propriétaires ayant payé 15 000 euros le mètre carré, deux fois plus que le neuf ? Et ne comptez pas sur la mutualisation des revenus entre programmes d’un même exploitant, présentée comme une garantie. «Si votre résidence est déficitaire, il préférera raboter le loyer plutôt que compenser les pertes», assure Olivier Metay, président de la Faprah, la Fédération des associations de propriétaires de résidences Appart’Hôtel.
Validez l’opération avec des experts indépendants
Commercialisées clés en main, les chambres meublées sont surtout une bonne affaire… pour leurs vendeurs, payés à la commission. « Soit 47 000 euros sur mon investissement, raté, de 519.000 euros», fulmine Marc Haselbauer, bailleur dans un Ehpad à Marseille. Avant de signer, mieux vaudra multiplier les avis indépendants, et d’abord auprès d’agents immobiliers, qui indiqueront le prix des biens de moins de cinq ans du secteur. Demandez également à votre notaire son avis écrit sur l’opportunité d’investir. S’il refuse de s’engager, soyez méfiant ! Pour 1.000 euros, un expert-comptable pourra aussi vérifier la viabilité de l’affaire. Ainsi, en résidence de tourisme, si les loyers que l’exploitant s’engage à reverser aux bailleurs excèdent 35% de ses dépenses totales (45% en résidence étudiante), l’équation risque d’être difficile à tenir. Rien ne vous empêche enfin de conserver les échanges de mails avec le vendeur. «Questionnez-le sur la solidité de l’exploitant, la crédibilité des projections financières…», conseille Paul Duvaux, avocat à Paris. Et faites réaliser par huissier une capture d’écran du site Internet affichant la promesse de rendement (prévoir environ 150 euros).
Privilégiez les baux d’une durée ferme
En principe, le bail commercial qui vous sera proposé est un bail ferme, jamais inférieur alors à neuf ans et un mois. «Pour les Ehpad, il atteint plutôt onze ans, voire plus», précise Philip Pechayre. Restez quand même sur vos gardes, car il arrive de tomber sur des baux permettant au locataire exploitant de donner son préavis tous les trois ans, durant neuf ans. Et donc, à la première difficulté, de vous menacer de partir (ou dans le cas des Ehpad, de transférer l’agrément administratif à une autre résidence) si vous n’acceptez pas une baisse de loyer. Cela dit, ce scénario risque fort de se réaliser à l’issue des neuf ans, comme l’a vécu Christine Lorenzini, propriétaire d’un 28 mètres carrés à Marciac. «Pierre & Vacances a voulu conditionner la poursuite de sa gestion à la baisse de 50% des loyers, et au paiement de 5 100 euros de travaux», raconte-t-elle. D’après notre enquête, aucun grand groupe n’est exempt de telles pratiques, d’Appart’City à Park & Suites, en passant par Belambra, GDP Vendôme, Odalys ou encore DomusVi.
Etudiez à la loupe les lignes du bail commercial
Depuis juin 2014, la loi interdit au locataire de payer les gros travaux (comme la réfection des murs, de la toiture…). Néanmoins, plusieurs exploitants d’Ehpad promettent quand même, sur leur bail, de les prendre à leur charge. «On peut les comprendre, un gérant préférant garder la main sur ce type de résidences soumis à des normes drastiques, explique Philip Pechayre. Mais rien ne l’empêchera, en cas de souci, de vous imputer ces travaux, la loi étant de son côté. Et ce, même après avoir fait passer une baisse de loyer !» Enfin, si le bail comporte une clause attribuant au gérant un «mandat permanent de représentation» aux assemblées générales de copropriété, refusez de la signer. Vous risqueriez sinon de ne recevoir ni les convocations ni même les comptes rendus de ces réunions.
Examinez la clause d’indexation des loyers
C’est un classique des baux commerciaux : l’instauration de clauses de plafonnement, à 1,5% ou 2%, de la révision des loyers, elle-même calée au choix sur l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou sur celui des activités tertiaires (Ilat). Voilà qui dégradera la rentabilité de votre placement, en cas de rebond de l’inflation. «Négocier leur suppression sera cependant difficile, un exploitant n’ayant aucune raison de favoriser un investisseur plutôt qu’un autre», prévient l’avocate Ganaëlle Soussens. Soyez intraitable en revanche avec ceux (on en a vu) se fondant encore sur l’indice du coût de la construction, référence pourtant proscrite. Il faut dire que cet ICC, devenu déflationniste (– 1,17% fin 2015), est désormais en leur faveur.
N’attendez pas que les impayés s’accumulent
Le réflexe, au premier impayé de la part de l’exploitant, doit être de lui notifier par huissier un commandement de payer. «Cela m’a déjà coûté 600 euros, les retards étant systématiques», se désole Dominique Jeancolas, bailleur dans des résidences Park & Suites de Saint-Herblain et Bourg-en-Bresse. Le mieux reste, avant même de choisir un avocat, de fédérer au plus vite les autres copropriétaires. D’où l’importance d’assister aux AG, les exploitants ne communiquant pas les coordonnées de ces derniers.
Tentez la solution de l’autoexploitation
Votre exploitant fait du chantage à la baisse de loyer ? Sachez que vous pouvez, pour votre lot, passer à l’autoexploitation. Mieux vaut toutefois s’y mettre à plusieurs bailleurs, car une telle opération ne s’improvise pas. Il vous faudra d’abord régler à l’occupant une indemnité d’éviction (jusqu’à quatre ans de loyer !) puis, dans un délai d’un an, créer votre structure chargée de fournir au moins trois services hôteliers parmi quatre (accueil, nettoyage, fourniture de linge de maison ou petit déjeuner). A défaut, la TVA déduite de votre prix d’achat devra être remboursée au fisc. Pour les Ehpad, cette autogestion relève de la mission impossible, puisqu’un agrément doit être obtenu et que vous devrez assurer des services comme la balnéothérapie, la kinésithérapie… Dans le cas des résidences de tourisme, l’opération nécessite, dans les neuf premières années, de convaincre au moins 70% des copropriétaires, au risque de perdre l’avantage fiscal Censi-Bouvard. Enfin, il vous faudra composer avec les mesquineries de l’exploitant, toujours en place pour les autres chambres. Certains vont même jusqu’à changer en douce les codes d’accès à la piscine, au parking ou aux terrains de tennis…
Sachez que la revente se fait souvent à perte
En cas de souci, rien ne vous empêche de revendre, des plates-formes comme Le Revenu Pierre ou LB2S se proposant même d’être intermédiaires. Mais l’affaire est fiscalement délicate. «En loueur meublé non professionnel, vous devrez restituer la TVA déduite du prix d’achat. Et, en Censi-Bouvard, s’ajoutera, si la revente a lieu dans les neuf ans, le remboursement de la réduction d’impôt», indique Paul Duvaux. Quant au prix, on l’a vu, il sera à la casse. «Selon un expert du tribunal de Nantes, nos biens valent moitié moins que leur prix d’achat», se désole François Villeret, investisseur à Talmont-Saint-Hilaire avec Lagrange. Il faut dire également que certains règlements de copropriété interdisent de changer la destination du bien, limitant du coup le nombre de candidats au rachat.
>> Témoignages :
Hervé Le Hanneur, chef d’entreprise à Versailles (Yvelines)
Bien acheté : meublé d’affaires à La Haie-Fouassière (44), géré par Cap West.
Préjudice : 38.000 euros de moins-value et perte de 6.300 euros de loyer par an.
Mi-2015, un an et demi après avoir racheté une chambre dans ce meublé d’affaires, cet investisseur et six autres copropriétaires ont reçu une lettre les informant que l’exploitant résiliait leur bail commercial… A eux de se débrouiller pour louer, les autres lots restant gérés par cet opérateur ! Le pire, c’est que, depuis début 2016, ce dernier a désactivé la carte magnétique de ce bailleur, lui interdisant tout accès aux parties communes, comme à son propre appartement !
– Olivier Metay, professeur d’enseignement artistique au Beausset (Var)
Bien acheté : meublé d’affaires dans la résidence Cerise Carcassonne Nord (11).
Préjudice : baisse imposée de 50% des loyers promis lors de l’investissement.
Pour cet investisseur, la fusion de son exploitant, Appart’City, avec Park & Suites, en 2014, n’aura pas été une bonne nouvelle. Ce gérant en a en effet profité pour abandonner la résidence, déficitaire, non sans suggérer un repreneur, proposant une baisse des loyers de 60%. Après audit, les copropriétaires en ont choisi un autre, limitant la baisse à 50%. Ce n’est pas la seule déconvenue : deux autres de ses chambres, à Brest et à Nantes, gérées par Appart’City, accusent depuis 2013 des retards de loyer récurrents.
– Marc Haselbauer, expert-comptable à Strasbourg (Bas-Rhin)
Biens achetés : trois chambres dans l’Ehpad Le Belvédère, à Marseille (13).
Préjudice : 519 000 euros de moins-value sur la valeur des biens et une perte de loyer de 2 175 euros par mois.
En 2013, lorsque cet investisseur se rend, par curiosité, dans l’Ehpad où il a investi sept ans auparavant, c’est la douche froide : surpopulation dans les chambres, murs moisis, etc. La résidence, déclarée insalubre, est même fermée en 2015… L’exploitant GDP Vendôme, après avoir tenté de la transformer en résidence senior, en proposant une baisse de 30% des loyers et la rétrocession gratuite des parties communes, a jeté l’éponge. Marc Haselbauer tente désormais de faire annuler la vente en justice.
Article de Marie-Dominique Dubois publié dans capital.fr